Giro 2023 Etape 13 : Pinot a encore fait n'importe quoi !
Comment aurait-il dû manœuvrer plus intelligemment avec ses adversaires ?
Et pourquoi c'est tout de même son année ou jamais pour gagner le Giro ?
Rappel des faits
Le vendredi 19 mars, lors de l'étape 13 du Giro d'Italia 2023, une étape raccourcie à 75 kilomètres en raison des conditions météorologiques, Thibaut Pinot, membre de l'équipe Groupama-Fdj, a vécu une fin de course mouvementée qui a déchainé les commentaires sur le web.
Alors que seule la dernière partie de l'étape était maintenue, avec le col de la Croix de Coeur suivi de la montée finale vers Crans-Montana, il était évident que cette étape serait intense et disputée dès le départ.
Dès les premiers kilomètres du col de la Croix de Coeur, un groupe d'une quinzaine de coureurs s'est détaché, comprenant Thibaut Pinot et Bruno Armirail pour la Groupama-Fdj.
La stratégie de l'équipe était claire : tout miser sur Pinot et viser l'étape ainsi que le maillot bleu de meilleur grimpeur.
Le plan semblait se dérouler comme prévu, avec Pinot passant en tête au col de la Croix de Coeur, accompagné d'un groupe restreint d'échappés.
On a retrouvé du grand Thibaut Pinot et on se dit qu'il peut le faire : c'est celui qui dégage la plus forte impression de l'échappée parmi Rubio, Cepeda, Derek Gee et Valentin Paret-Peintre.
Pour la victoire d'étape, tout se jouera alors dans l'ultime montée.
Le show Pinot
Dès les premiers mètres de l'ascension de Crans-Montana, Pinot attaque et Gee et Paret-Peintre sont décrochés.
À l'avant, Pinot, Cepeda et Rubio ne s'entendent pas. Les deux sud-américains sont justes et refusent de relayer.
Et ça ne plaît pas à notre Thibaut national et la tension monte avec Cepeda.
Pinot mettra mine sur mine pour essayer de le décramponner et finira même par s'engueuler avec lui plusieurs fois tandis que Rubio, derrière, fait de son mieux pour recoller mètre après mètre au duo infernal.
Au final, la victoire se joue au sprint et c'est Rubio le moins fort et le plus discret qui franchit la ligne le premier, laissant Pinot déçu, avec la rage, finir à la deuxième place.
Je ne peux m'empêcher de penser que si Pinot avait adopté une approche plus stratégique, avec plus de calme et de contrôle, il aurait dû remporter l'étape facilement, même au sprint.
Ses multiples attaques l'ont cramé et ont compromis fortement ses chances de victoire.
Pourquoi c'était n'importe quoi ?
On va me dire que c'est facile à dire une fois que le résultat est connu, mais force est de constater que même avant l'arrivée, beaucoup, moi y compris, s'interrogeraient sur la pertinence de toutes ces attaques.
Pour être honnête, je m'attendais même à pire, et à partir d'un certain moment, je craignais la crampe à chaque nouvelle attaque.
Se mettre à la place de Cepeda et Rubio
Certains commentateurs ont comptabilisé jusqu'à 17 attaques de Pinot dans la montée finale.
S'il a pu se permettre ce nombre impressionnant d'attaques, c'est qu'il était vraiment le plus fort.
Ses rivaux l'avaient d'ailleurs bien compris, et ont fini par prendre une décision stratégique logique : refuser toute collaboration avec Pinot intenable pour préserver leurs maigres chances de victoire.
Ils n'avaient absolument aucun intérêt à travailler avec Pinot.
Si Cepeda et Rubio s'étaient résolus à prendre des relais dans la montée (avec, je le rappelle, le vent de face), c'était quasiment s'auto-éliminer et la garantie de se faire crucifier par une attaque de Pinot venant de l'arrière.
On a tous qu'un nombre limité de cartouches (même Pinot).
Au final, Pinot a grillé toutes ses cartouches avec ses attaques en nombre inutiles et n'avait plus le punch nécessaire pour s'imposer au sprint.
La (bonne) stratégie ?
Thibaut a clairement démontré sa supériorité lors de l'ascension, et maintenir un rythme soutenu aurait dû suffire à épuiser et distancer ses adversaires.
De plus, vu son punch et ce qu'il a déjà prouvé dans le passé en arrivée en petit groupe, il avait aussi toutes ses chances pour s'imposer au sprint à Crans Montana.
Malheureusement, il a débranché son oreillette et en a fait qu'à sa tête.
Après des années de problèmes physiques, il s'est peut-être fait emporter par sa fougue et avait vraiment envie d'en découdre pour montrer que le grand Thibaut était de retour, disposé à gagner de nouveau sur un grand tour.
Quelle aurait été une meilleure stratégie avec une gestion plus fine des événements et de ses adversaires ?
Chronologiquement, sur la dernière ascension de 13 km, je verrais les choses de cette manière :
- KM 0-6 : rouler allure tempo élevé avec des mini-changement de rythme et pour juger de l'état de fraicheur decses adversaires (et en demandant à passer des relais ;)).
- KM 6-10 : préparer une attaque en diminuant très légèrement les relais et leur intensité puis attaquer au km 10 où les pourcentages sont les plus élevés.
- KM 10-13 : si l'attaque a été concluante, rouler à bloc jusqu'à l'arrivée. Sinon, laisser ses adversaires mener le groupe et reprendre des forces pour la suite pour soit :
1) Tout miser sur le sprint.
2) Ou accélérer et rouler à bloc jusqu'à 1 km 500 de la ligne pour lâcher ses adversaires au train s'ils manifestent des signes de fatigue évidents.
De cette manière, il aurait pu préserver un écart plus important sur le groupe maillot rose que ce qu'il a obtenu au final avec les attaques et ralentissements successifs et le manque de collaboration de ses adversaires.
Il a au moins perdu 30 secondes dans l'affaire en se comportant de la sorte.
Ces chances pour le Giro
Malgré sa déception et la nôtre, il a prouvé sur cette étape qu'il est sûrement l'un des plus forts en montagne sur ce Giro.
Pour moi, si toutes les planètes s'alignent, compte tenu du menu de la 3ème semaine de ce Giro, il est capable de gagner ce Giro.
Il ne reste que des étapes de montagnes et un CLM en côte qui devraient lui convenir à merveille pour récupérer du temps au général.
La concurrence ?
Geraint Thomas ne m'a pas l'air très transcendant.
Pour Roglic, c'est un peu l'énigme. Il ne s'est pas trop montré et le peu que l'on en a vu en CLM, c'était un peu décevant.
Pour le reste des outsiders Almeida, Caruso, Carthy, etc., je ne les vois prendre des risques au général et se lancer dans de grosses offensives pour renverser la table et tenter de gagner ce Giro.
Bref, on y croit pour Pinot et ce Giro, c'est l'année ou jamais.