Le mythe du grimpeur léger

Le mythe du grimpeur léger

Si il y a un mythe à casser dans le cyclisme, c’est bien celui-ci :

Plus je suis léger, plus je suis avantagé dans les ascensions.

C'est partiellement vrai, mais la vérité est un peu plus compliquée.

Il y a 4 morphotypes de cyclistes :

  • Le grimpeur léger style format de poche (Gaudu).
  • Le sprinter (Cavendish).
  • Le passe-partout qui peut aller chercher des victoires sur tous les terrains, mais qui a quand même ses limites en haute montagne ou sur les CLM (Julian Alaphilippe).
  • Le spécialiste du CLM comme Ganna que j'appellerai le rouleur endurant dans la suite de l'article.

Ensuite, il y a les hors-normes qui excellent dans plusieurs spécialités.

Tu les connais, ce sont ceux qui jouent la gagne au Tour de France.

Ils ont les capacités pour battre les spécialistes sur leur terrain que ça soit en CLM ou en haute montagne.

Ce sont les Pogacar, Roglic, Vingegaard et compagnie.

Dans la suite de l’article, on va s’intéresser au morphotype du grimpeur et pourquoi son faible poids n’est pas totalement un avantage même dans les ascensions.

Ton poids ne fait pas tout

Pour performer dans les ascensions, la lutte contre la gravité est une des clés de ta performance et ton rapport poids-puissance est prédominant.

Plus un cycliste est léger, plus sa masse musculaire est faible.

En résulte alors une puissance absolue moins élevée (sans prendre en compte le poids) que celle mesurée chez des gabarits plus imposants.

Si l'on rapporte la puissance absolue du grimpeur à son poids, celle-ci peut paraître importante.

Cependant, plusieurs études scientifiques ont observé chez les cyclistes que masse musculaire et puissance absolue étaient généralement proportionnelles au poids (à composition corporelle similaire muscle/graisse)*.

Conséquence ?

Les coureurs les plus légers à petit gabarit ont finalement le même rapport poids/puissance que des coureurs plus lourds à gabarit plus haut et plus large.

Mythe détruit : les coureurs les plus légers ne bénéficient donc pas d'un réel avantage.

Mais ça va encore plus loin ...

En plus du poids du coureur, il faut aussi prendre en compte le poids du vélo et de son équipement qui est sensiblement le même pour un coureur de 55 kg ou de 70 kg.

Imaginons que nous avons 2 coureurs :

  • Coureur A qui pèse 55 kg avec un vélo + équipement à 8 kg.
  • Coureur B 75 kg avec un vélo + équipement à 8,2 kg.

Mettons maintenant les coureurs A et B en compétition dans un col.

  • Coureur A monte le col à 5 w/kg (275 w). En prenant en compte de tout son équipement, il roule en fait à 275/(55+8) = 4,36 w/kg.
  • Coureur B monte le col à 4,9 w/kg (368 w). En prenant en compte tout son équipement, il roule en fait à 368/(75+8,2) = 4,41 w/kg.

Résultat ?

Bien que plus lourd de 20 kg avec un rapport poids/puissance légèrement inférieur et un vélo plus lourd, le coureur B monte plus vite.

Et l'aérodynamisme ?

Déjà qu'un grimpeur de poche n'est pas forcément avantagé par son rapport poids/puissance, s'ajoute à cela que son avantage aérodynamique dû à sa corpulence est négligeable par rapport à ses adversaires.

C'est pour cela qu'il est rare de voir des grimpeurs gagner le Tour de France.

Ils ne font que peu de différence en montagne, mais se font massacrer en CLM.

D'ailleurs, sur les dernières décennies, tu constateras que ce sont plutôt des coureurs complets d'environ 70 kg qui ont gagné le Tour de France.

Où les grimpeurs prennent l'avantage ?

Les grimpeurs ont un avantage sur les rouleurs endurants dans 4 domaines :

  • Une VO2max rapportée au poids plus élevée. Elle s'exprime en mL/min/kg et mesure la quantité d'oxygène maximale que tes poumons sont capables d'inspirer, transmettre dans le sang et que tes muscles vont transformer ensuite en énergie. Plus ta VO2max est élevée, plus tu es capable de produire de l'énergie et un effort à haute intensité.
  • Conséquence d'une haute VO2max par rapport au poids : les grimpeurs ont généralement les meilleurs ratios poids/puissance pour les efforts intenses de courtes durées (< 5 minutes).
  • Meilleure tolérance aux lactates.
  • Facilité pour changer de rythme.

Malheureusement, une partie de cet avantage compétitif est annulé par un rapport poids/puissance réel inférieur à celui des rouleurs endurants.

C'est pour cela que les grimpeurs doivent absolument tirer profit de leur VO2max élevée, de leur capacité à attaquer, à changer de rythme, et ainsi déstabiliser les rouleurs.

Les stratégies selon ton morphotype

Comment monter un col si tu es un rouleur endurant ?

Si tu es dans cette catégorie, bonne nouvelle, tu as surement une des meilleures puissances absolues et en watts/kg du peloton.

Ta stratégie est simple :

  • Monter les cols à allure régulière, assis sur la selle, type très gros tempo à une puissance proche de ton FTP. De cette manière, tu asphyxies les grimpeurs en les empêchant d’attaquer.
  • Si malgré cela, tu subis des attaques, ne répond pas immédiatement, fais ta course, lisse ton effort et essaie de revenir au train. Les grimpeurs ont généralement besoin d'un temps de “repos” entre deux accélérations, tu devrais pouvoir les rattraper un peu plus loin lorsqu’ils souffleront.
  • Entraîne-toi à encaisser les changements de rythme en effectuant des séances d'intervalles Seuil Under/Over et de PMA.

Comment monter un col si tu es un grimpeur ?

Après avoir lu mon article, tu as compris que même si tu es le plus léger, tu n’es pas forcément le plus avantagé.

Si tu as les jambes et que tu es confiant dans ton niveau, il est essentiel d'éviter de te faire asphyxier par les rouleurs endurants qui auront lu le paragraphe précédent.

Il va falloir prendre des risques et qu'à un moment ou un autre, que tu assumes la direction des opérations en profitant de tes points forts.

Ta stratégie doit consister à :

  • Étudie en avance le parcours et identifie les rampes à fort pourcentage (idéalement suivies portions plus faciles).
  • Dans les passages difficiles que tu as identifiés : attaque franchement, debout sur les pédales, pour distancer les rouleurs et essayer de semer le doute chez eux.
  • Profite de la portion suivante plus facile pour "récupérer" un moment, puis relance ton allure à un rythme très soutenu proche de ton seuil.
  • Risqué : ne laisse pas les rouleurs t'imposer leur tempo et t'asphyxier. Prends l'initiative dès le début de l'ascension en attaquant pour décrocher tes adversaires. Mais, attention au retour de bâton.
  • Entraîne-toi à faire progresser ton seuil avec différentes séances à intervalles (Seuil, Supra-Seuil, Under/Over) afin de moins subir le rythme élevé imposé par les rouleurs endurants.