Stages en altitude : entre mythes et réalités.
Comme beaucoup de cyclistes, tu rêves certainement de te faire un camp d'entrainement en haute montagne, comme les pros à Tenerife, avec l'espoir de booster tes performances.
Mais avant de faire tes valises, il est crucial de te poser les bonnes questions.
- Pourquoi opter pour un stage en altitude ?
- Quels ajustements sont nécessaires pour s'adapter au manque d'oxygène ?
- Comment t'entraîner efficacement dans des conditions d'hypoxie et en tirer profit ?
Et surtout, quelles en sont les limites et pourquoi ce type de stage ne pourrait être pas si bénéfique qu'attendu ?
Dans cet article, nous allons démystifier les stages en altitude, explorer leurs véritables avantages et t'expliquer pourquoi ils ne sont pas la méthode miracle pour élever ton niveau.
Altitude, hypoxie et baisse des performances.
Tu sais déjà que pédaler en montagne et à haute altitude, ce n'est pas une partie de plaisir.
Même si l'air garde sa concentration de 20 % d'oxygène comme au niveau de la mer, la pression atmosphérique, elle, diminue.
Ce qui fait qu'un volume d'air donné contient moins de molécules, donc moins d'oxygène (mais toujours la même proportion O2, CO2, azote).
Par exemple, à 2700 mètres au col du Galibier, il y a 25 % de molécules d'oxygène en moins dans un mètre cube d'air.
Cette baisse de l'oxygène disponible, qu'on appelle hypoxie, réduit la quantité d'oxygène disponible dans ton sang, limitant ainsi l'oxygène qui arrive à tes muscles.
Et le résultat, tu le sens sur le vélo : moins d'oxygène dans le sang, signifie tout simplement une baisse des performances (à moins que ton corps ne s'adapte).
Pour mieux comprendre comment l'altitude affecte tes performances, jetons un œil sur certaines recherches scientifiques.
Selon les études de Bassett et Peronnet, la baisse de performance par rapport au niveau de la mer est estimée entre 9,3 et 13,5 % à 2133 mètres (7000 pieds), en fonction de l'adaptation de l'athlète à l'altitude.
Ces chiffres mettent en évidence le rôle vital de l'acclimatation avant une compétition en haute montagne.
D'autre part, Wehrlin et Hallén se sont penchés sur l'évolution de la VO2max en fonction de l'altitude et ont constaté une baisse moyenne de 6,3 % du VO2max (et par extension du FTP) pour chaque tranche de 1000 mètres d'élévation.
Pour approfondir notre compréhension des effets physiologiques, examinons un test d'effort spécifique.
Lors d'un effort à 270 watts pendant 15 minutes à 2700 mètres d'altitude simulée, comparé au niveau de la mer, voici les variations constatées :
2700 m | |
---|---|
Concentration d’oxygène dans le sang | - 12 % |
Fréquence respiratoire | + 60 % |
Volume respiré | + 14 % |
Acide lactique | + 140 % |
Ces données mettent en évidence les ajustements significatifs que ton corps réalise pour faire face à la raréfaction de l'oxygène en altitude :
- Augmentation de la fréquence respiratoire : le corps augmente la fréquence respiratoire afin d'absorber plus d'oxygène et maintenir tant bien que mal une concentration d'oxygène acceptable.
- Augmentation de l'acide lactique : Au niveau de la mer, un effort sous le seuil aérobie produit peu d'acide lactique. En altitude, pour une puissance équivalente, le manque d'oxygène peut pousser cet effort au-dessus de ce seuil, augmentant ainsi la concentration d'acide lactique, comme observé dans notre expérience.
Mais il y a (presque) une bonne nouvelle.
En altitude, la pression atmosphérique étant plus faible, tu bénéficies alors d'une moindre résistance à l'air. C'est pourquoi de nombreux records de l'heure cycliste ont été établis en haute altitude, notamment au Mexique et en Colombie.
Pour illustrer l'impact de la pression atmosphérique, considère ceci : tu gagnes plus d'une minute sur un contre-la-montre de 30 km réalisé à 2000 mètres d'altitude, et ce, même avec une puissance moyenne réduite en raison du manque d'oxygène.
Niveau de la mer | 2000 m | |
Perte de performance | Base 100 | 87,5 |
Puissance moyenne | 280 | 245 |
Distance | 30 | 30 |
Temps | 47 min 15 s | 46 min 05 s |
Mais tu l'as compris : ce bénéfice n'existe que sur le plat.
Dès que la route commence à grimper, cet avantage aérodynamique disparaît, et là, ça n'est plus du tout la même histoire.
Comment l'hypoxie déclenche des adaptations physiologiques
Vivre et s'entraîner en altitude présente un défi pour notre corps.
Pour continuer à fonctionner efficacement dans ces conditions, ton corps doit s'adapter rapidement.
Voici comment ton corps réagit :
Dès ton arrivée en altitude, tu remarques une augmentation immédiate de ta fréquence respiratoire et cardiaque.
Ces ajustements sont des réponses naturelles visant à maximiser l'apport en oxygène et compenser sa moindre disponibilité.
Ensuite, ton corps augmente la production d'érythropoïétine (EPO), stimulant la production de globules rouges pour améliorer le transport de l'oxygène vers tes muscles, ce qui t'aide à corriger la réduction de tes performances par rapport au niveau de la mer.
Cependant, un séjour prolongé en altitude n'a pas que des avantages et présente quelques inconvénients notables avec lesquels tu devras composer :
Immunosuppression. | Immédiat |
Augmentation du stress oxydatif et des lésions tissulaires. | Immédiat |
Augmentation de la déshydratation. | Immédiat |
Réduction de l'intensité de l'entraînement. (Les limitations en oxygène peuvent contraindre l'intensité de tes sessions d'entraînement.) | Immédiat |
Mal des montagnes. | Jours |
Consommation accrue du glycogène. (En raison du stress physiologique généré par l'altitude) | Jours/semaines |
Stratégies d'entraînement en altitude : ce que tu dois savoir.
Lorsqu'il s'agit d'optimiser tes entraînements en altitude pour exploiter pleinement le manque d'oxygène et les adaptations physiologiques qui en découlent, deux principales méthodes se distinguent.
Vivre Haut, S'entraîner Haut (LHTH) : Discussion sur l'approche historique et ses limites.
C'est l'approche historique/traditionnelle, simple à mettre en œuvre qui consiste à résider et s'entraîner à haute altitude, typiquement en séjournant dans un hôtel situé à 2000 mètres et en enchaînant les ascensions en haute montagne.
Mais ce n'est pas une stratégie gagnante…
Des études, comme celle de Hahn & Gore en 2001, montrent des résultats à contre courant des croyances largement admises.
Ils ont mesuré :
"Sur cinq groupes de recherche différents [...] que le fait de vivre et de s'entraîner en permanence à une altitude modérée n'améliore pas les performances des athlètes de haut niveau au niveau de la mer."
https://link.springer.com/article/10.2165/00007256-200131070-00008
La difficulté à s'entraîner aussi intensément qu'au niveau de la mer, une récupération plus lente, tout ceci à cause du manque d'oxygène, semblent expliquer cette non-amélioration des performances.
Vivre Haut, S'entraîner Bas (LHTL) : une stratégie plus efficace.
À l'opposé de la première méthode, celle-ci est devenue la stratégie de prédilection de nombreux athlètes professionnels.
Elle implique de dormir en altitude (comme au fameux hôtel Parador sur l'île de Tenerife à 2000 mètres) et de descendre au niveau de la mer pour effectuer ses sessions d'entrainement.
Cette stratégie tire parti de l'acclimatation à l'altitude pendant la nuit pour stimuler la production de globules rouges, tout en permettant des entraînements à intensité plus élevée au niveau de la mer.
Et les résultats sont plus prometteurs : selon Hahn et Gore :
"des études récentes menées par trois laboratoires indépendants ont montré de manière cohérente de légères améliorations après un séjour en hypoxie et un entraînement au niveau de la mer".
D'autres études sur la stratégie "Vivre en altitude, s'entraîner au niveau de la mer" ont démontré :
"des améliorations significatives de la quantité de globules rouges, de l'absorption maximale d'oxygène, [...], le séjour à une altitude de 2000-2500m, un minimum de 20 heures par jour, pendant 4 semaines, semble présenter le plus grand potentiel d'amélioration des performances".
"Un marathonien [...] qui a effectué un entraînement en altitude de type "vivre haut, s'entraîner bas" pourrait connaître une amélioration de près de 8,5 minutes (ou ≈5%) sur un marathon."
Cependant, d'autres recherches ont des conclusions qui ne vont pas dans le même sens...
Études et résultats variés.
Certains athlètes bénéficient d'améliorations, tandis que d'autres ne voient aucun changement notable dans leur performance, ce qui remet en question l'unanimité sur les avantages des stages en altitude.
Toujours selon Hahn et Gore dans "The effet of altitude on cycling performance", même pour les athlètes qui observent une amélioration de leurs performances, celle-ci est généralement modeste :
"Si le fait de vivre en altitude tout en s'entraînant près du niveau de la mer peut être optimal pour améliorer les performances [...], des recherches plus approfondies sont nécessaires pour confirmer cet avantage. Si cet avantage existe, il varie probablement d'un individu à l'autre et ne dépasse guère 1 % en moyenne."
Une autre étude très intéressante s'intéresse à la VO2max d'athlètes acclimatés ou non au manque d'oxygène selon l'altitude.
Premier point notable sur ce graphique : une fois acclimaté, la diminution de la VO2max due à l'hypoxie est moins prononcée que lorsqu'il n'était pas encore adapté à l'altitude (logique).
Toutefois, et c'est là que ca devient intéressant, de retour au niveau de la mer, il n'y a pas d'amélioration notable de la VO2max suite à un stage en altitude, que l'athlète soit passé par une phase d'acclimatation ou non.
D'après les données présentées ici, même un stage prolongé en altitude ne semble pas influencer la VO2max une fois revenu au niveau de la mer.
Suite à toutes ces études aux résultats contradictoires, on peut affirmer qu'un camp d'entraînement en altitude ne garantit pas à coup sûr une amélioration des performances au retour au niveau de la mer; et si amélioration il y a, elle est généralement limitée à 1 à 2 %.
Il apparaît donc que ces camps d'entraînement en altitude sont principalement bénéfiques pour l'acclimatation et l'amélioration des performances en prévision de compétitions qui se tiennent aussi en haute altitude.
Quelle durée en altitude pour une acclimatation optimale ?
Lorsqu'on parle d'adaptation ou d'acclimatation à l'altitude, on parle d'adaptations physiologiques pour oxygéner correctement l'organisme, à savoir :
- Une stimulation de la production d'EPO,
- Une élévation du taux d'hématocrite.
- Une meilleure concentration d'oxygène dans le sang.
Ces changements visent à augmenter l'oxygénation des organes et muscles, améliorant ainsi tes performances pour se rapprocher de celles au niveau de la mer.
Bien que ton corps commence à s'adapter dès ton arrivée en altitude, un séjour prolongé est indispensable pour une acclimatation efficace.
8 heures par jour ne suffisent pas.
Les recherches de M. Ashenden, C. Gore, G. Dobson, et A. Hahn, notamment dans leur étude "Live high, train low does not change the total haemoglobin mass", constatent que passer 23 nuits à une altitude simulée de 3000 mètres, pour 8 heures par nuit, ne suffit pas pour observer une modification significative de la concentration d'hémoglobine.
Il est donc nécessaire de passer plus de temps en altitude.
Mais quelle est la durée idéale ?
D'autres scientifiques ont voulu aller plus loin, dont Joseph Duke, Robert Chapman et Benjamin Levine.
Ils préconisent de vivre à une altitude de 2000 à 2500 mètres pendant plus de 20 heures par jour sur une période d'au moins 28 jours pour déclencher des adaptations notables.
Cependant, même après une acclimatation réussie, il est important de noter que, selon Wehrlin et al., après 21 jours d'acclimatation, seulement 29 à 36 % de la réduction initiale de la VO2max due à l'altitude peut être compensée.
Cela signifie que, bien que tes performances s'améliorent avec l'acclimatation, elles ne retrouveront jamais entièrement les niveaux observés au niveau de la mer.
Altitude : chacun est différent.
Se préparer à l'altitude n'est pas une science exacte.
En réalité, c'est bien plus compliqué.
Chacun de nous réagit différemment, et il n'y a pas une seule règle qui fonctionne pour tout le monde (élévation et durée de séjour).
C'est individuel.
L'adaptation à l'altitude, c'est une affaire très personnelle, et concernant l'acclimatation à un environnement en hypoxie, les différences génétiques jouent un rôle prépondérant.
En 2020, Nummela et al. ont creusé le sujet dans leur étude "Variabilité de la réponse en masse d'hémoglobine aux camps d'entraînement en altitude". Ils ont étudié comment différents athlètes s'adaptent, en évaluant la qualité et la rapidité de leur acclimatation.
Réponses variées...
Les résultats sont révélateurs.
Il existe une variabilité [...] significative dans la réponse en concentration d'hémoglobine parmi les athlètes d'endurance élite. Certains athlètes répondent systématiquement positivement à l'entraînement en altitude avec une augmentation de la concentration en hémoglobine, tandis que d'autres ne montrent aucun changement ou même des réponses négatives.
Parmi les athlètes participant à plusieurs camps d'entraînement en altitude, 27 % ont toujours eu des réponses positives [...], 13 % n'ont eu que des réponses négatives, et 60 % ont présenté à la fois des réponses positives et négatives lors de différentes sessions.
Ces découvertes soulignent combien l'adaptation à l'altitude peut varier d'un individu à l'autre, illustrant la complexité de préparer efficacement les athlètes pour les défis en haute altitude.
Stages en altitude : une perte de temps pour un amateur ?
Les stages en altitude suscitent beaucoup d'intérêt, mais leurs avantages réels, en particulier pour les amateurs, peuvent être plus limités que ce que l'on pourrait imaginer.
Avec toutes les études que nous avons passées en revue, on constate bien que les gains en performance sont souvent modestes et non garantis.
Et les coûts associés à ce type d'entraînement ne sont pas négligeables. Il ne s'agit pas seulement d'une question financière, mais aussi de la charge mentale que représente toute l'organisation et la logistique qu'implique ce genre de stage.
De plus, la stratégie d'entraînement optimale — vivre en altitude tout en s'entraînant au niveau de la mer — n'est réalisable uniquement que dans quelques rares endroits.
Le véritable bénéfice scientifique et sportif de ces stages est l'acclimatation à l'altitude pour se préparer à une compétition dans des conditions similaires.
Ce type de stage devrait être programmé lors de ta phase de spécialisation, en terminant entre sept et quatorze jours avant ton objectif.
Cela dit, s'entraîner dans un cadre agréable, grimper des cols mythiques pour répéter ses gammes pour les objectifs à venir, n'a jamais fait de mal à personne et apporte bien plus que de simples gains de performance.
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