Roubaix 2022 : le courageux Askey et le syndrome du super-héros.

Retour sur la dernière édition de Paris-Roubaix et un des nombreux exploits des coureurs qui ont terminé l'enfer du nord au bout d'eux-même dans l'anonymat.

Un de ces coureurs est Lewis Askey.

Britannique, 20 ans, membre de la Groupama-FDJ, il effectuait à cette occasion son premier Paris-Roubaix dans les rangs professionnels.

En effet, il n'était pas à son tout premier baptême du feu sur les pavés, il a gagné l'épreuve chez les Juniors en 2018.

Malheureusement, sa première chez les pros n'a pas rencontré le même succès, mais a été plus chaotique et douloureuse.

Bien que son classement final soit une anecdotique 42ème place, ce qui force le respect est d'avoir réussi à avoir rallié le vélodrome de Roubaix malgré un genou en sang.

Mais c'était une mauvaise idée.

Crédit: Zac Williams/SWPix.com

Que lui est-il arrivé ?

Vous avez peut-être vu ses photos avec son genou bandé et en sang à l'arrivée à Roubaix.

D'après son interview au magazine Rouleur, sa chute est intervenue dans le 3ème secteur pavé.

Les coureurs devant lui ont freiné brusquement, Lewis a dû faire de même pour ne pas les percuter.

Il a bloqué ses roues, dérapé et chuté.

Les coureurs derrière lui se sont empilés sur sa personne et sa machine.

Lorsqu'il s'est relevé, il a remarqué que son genou gauche saignait abondamment avec une longue entaille qui semblait avoir comme responsable un disque de frein.

Dans le feu de l'action, toujours avec l'adrénaline de la course, il a repris son vélo et est reparti sans trop se poser de question.

La douleur était présente, mais supportable.

Ce n'est qu'ensuite qu'il a pris u peu de temps pour une évaluation des dégâts. Il s'est rendu compte que la plaie à son genou était bien profonde, beaucoup plus profonde que ce qu'il pouvait imaginer.

Durant une longue période de transition entre 2 secteurs pavés, il est donc descendu à la voiture médicale pour effectuer un bandage. Objectifs : arrêter le saignement et soulager son genou afin de continuer la course.

Continuer la course pour aider son leader Stefan Küng et aussi parce que Roubaix était un des objectifs de sa saison.

Sauf que la douleur était de plus en plus forte.

Il a tout de même fait son travail pour Küng jusqu'à la sortie de la trouée d'Aremberg à 100 kms de l'arrivée.

Et à ensuite débrancher physiquement et mentalement en laissant partir le groupe des favoris avec son leader.

La douleur était trop vive.

Et il aurait dû s'arrêter là, ce qu'il n'a pas fait.

Le genou est l'articulation la plus sollicitée dans le cyclisme.
Cela semble évident à tout le monde.

Mais sortons quand même les calculatrices pour mesurer cette sollicitation de manière précise :

Aremberg - Roubaix (distance) : 100 kms.
Vitesse moyenne : 40 km/h.

Ce qui donne Aremberg - Roubaix en temps : 2h30 ou 150 minutes.

Si on se base sur une cadence moyenne de 70 tours par minute; 70 tours par minute pendant 150 minutes, cela donne 10500 rotations de pédale.

Ou dit autrement, que son genou entaillé au disque a été sollicité 10 500 fois entre Aremberg et Roubaix ...

Avec ce chiffre, on comprend mieux maintenant que si la douleur était déjà importante, il aurait dû s'arrêter rapidement et ne pas prendre le risque de détruire son genou.

Surtout qu'il n'avait plus rien à gagner (il finit 42ème), mais beaucoup à perdre : compromettre sa saison et sa carrière.

On se souvient tous de Thibaut Pinot (même équipe décidément) et de son Tour 2020 où il a tenu absolument à continuer malgré sa blessure au dos. Résultat : saison blanche en 2020 et 2021.

Heureusement pour Lewis Askey, après diagnostic médical, les parties essentielles du genou n'ont pas été touchées. Il devra quand même observer une période de repos total de plusieurs semaines.

Conclusion

Oui, c'est un héros, les photos sont impressionnantes, il faut vraiment un mental d'acier pour faire Paris-Roubaix dans cet état.

Il a dû assurément en ch*er. Et ça impose le respect.

Mais ce n'était pas le plus raisonnable à faire.

Nous les cyclistes, on a tendance à être dur au mal, à aller jusqu'au bout de nous même et ainsi considérer l'abandon comme quelque chose de lâche.

Cependant, comme pour notre ami Lewis Askey, il faut savoir quelques fois abandonner et ne pas jouer au super-héros.

Gagner le panier garni de la course de clocher de Pouldreuzic au risque de compromettre sa santé et sa saison n'en vaut des fois pas la peine.

Lewis Askey chapeau, mais c'est un pro et à ne pas imiter.